• Léonard de la Baleine

    Chapitre 3: Son regard

     

    Cela fait plus d’une heure que je fixe le plafond. J’arrive pas à dormir. Insomnie. Ça fait longtemps que j’en avait pas été sujet.

    Pas depuis leurs morts.

    La mort de mes compagnons d’armes.

    Je soupire. Et aller…si je me mets à penser à eux autant aller prendre l’air.

    Je me lève…et me cogne au plafond. Arg. Ca fait mal cette merde ! Je sors de ma chambre en bougonnant. Je dépasse silencieusement la chambre où dort la gamine. Gamine…je dit ça mais c’est une toute jeune femme maintenant. Je secoue la tête. Elle avait l’air assez ébranlé par mon histoire…plus que je ne pouvais imaginer. Ses yeux me l’avaient indiqué.

    Je passe la porte de la cuisine. La brise du soir m’accueillit avec délice. Je longe la plage puis grimpe sur la butte où se trouve mon phare. Ce soir j’ai besoin de réfléchir et quoi de mieux que de le faire en regardant la mer depuis son poste de travail ?

    Plusieurs heures plus tard, je décide de redescendre et de rentrer. Je le fais en trottinant. La mer est basse donc j’en profite. En chemin, je me remet à penser à mes camarades. Ils me manquent terriblement. Joe le guignol de service et son frère Frédéric. Francis le cuistot du dimanche et le lieutenant Daniel Saint-Claude. Mon cousin…

    Ma foulée me mène aux Trois Diables. Mes pensées se tournent automatiquement vers Eris. Je sors sa carte d’identité de ma poche. Eris Blanchard. Elle doit avoir 19 ans. Son nom me dit quelque chose…Ah !!Oui !! C’est la môme qui s’est enfuie de chez elle le mois dernier ! L’info passait en boucle dans la télévision du pub de Jack. On en a pas mal discuté. Bon bah…si elle veut me parler de sa fugue se sera en temps et en heure. Mais je dois bien avouer que je suis curieux de savoir sa ou ses raisons. Son pied est guéri, est-ce qu’elle va reprendre sa route ?

    La mer me lèche les pieds me rappelant sa présence et qu’elle est en train de remonter. Je reviens sur mes pas. Je vois de la lumière dans le salon. Eris…serait…réveillée ? J’entre dans la cuisine et me dirige vers la source de lumière. Elle est là assise sur le canapé. Les cheveux en pagaille. Les jambes repliées sous elle. Fragile. C’est le mot qui me vient tout de suite à l’esprit quand je la voie ainsi.

    Elle relève la tête, je sursaute. Ce regard…son regard…est déterminer…sans faille. Il fait penser briller ses yeux vert mordoré d’un feu que seul un dragon peut produire. Pourquoi je pense à un dragon ? Ça n’existe pas ! Elle a pris une décision. Laquelle ? Sa réponse arrive très vite.

    -Léonard, roi du phare, apprend-moi à me battre.

    Ou l’air de te couper le siffler. Nan mais sans blague…C’est quoi cette tirade sortit tout droit du Moyen-Age ? Autant dire que je suis resté muet. Sa voix était…impressionnante…déterminer…un peu roque. Elle a claqué comme un fouet dans le bruyant silence de minuit. Elle reprend hésitante cette fois.

    -Je dois absolument partir mais je ne peux pas m’en aller s’en savoir me défendre. Je dois continuer mon voyage et pour cela je dois savoir me battre…c’est…vital.

    La détermination infaillible du chasseur et le désespoir de la proie. Son regard laisse transparaître ces deux émotions d’une manière aussi limpide que les eaux des lagons.

    -Ton temps est compté ?

    -Oui…et non.

    Je la regarde surpris. Oui et non. Très claire comme réponse… Son regard s’est troublé. Pendant quelques minutes aucun de nous deux ne parle. Elle enfermer dans son mutisme et ses pensées. Moi attendant patiemment qu’elle se confie à moi.

    Le tic-tac de la pendule fut le seul bruit que l’on entendit pendant longtemps.

    Je ne la quitte pas des yeux. Si je le fais elle va se dérober. C’est mon instinct qui parle et il ne m’a jamais trompé. Jamais. Alors j’attend qu’elle parle la première. Ne surtout pas la presser, je risque de la braquer sinon. Attendre toujours et encore dans le silence de la nuit. Ses pupilles s’agitent. Ils regardent partout. Sa nervosité et sa peur se sent de là où je suis. Elle se mordille doucement l’ongle de son pouce. Le combat qu’elle livre en elle doit être bien farouche pour qu’elle soit aussi agitée.

    Une heure du matin sonne. Elle sursaute, se lève, fit les cent pas puis s’arrête et me regarde. Eris brise enfin le silence.

    -Elle me laisse deux mois…après elle dit qu’il faudra que je parte.

    Elle se plongea à nouveau dans le silence. Elle ? De qui peut-elle bien parler ?

    Je la fixe. Sa tête entre les mains, elle tremble. De froid ? De peur ? Peut-être. Mais…je commence à la connaître et là c’est plus une crise de stress.

    -Eris ?

    Ses yeux sont constellés par les larmes naissantes. Je les essuie du bout des doigts.

    -Parle-moi. Je t’écoute.

    Aucune réaction. Ses yeux sont vides.

    -Je ne te jugerai pas. Parole de marine.

    Son regard reste vide mais parla d’une voix laconique. De tout. Son enfance solitaire, de la haine de ses cousins à son égard, de sa mère autoritaire, de son père absent, de son adolescence, des moqueries, du harcèlement, des menaces de mort, de ses tentatives et de sa couardise, des injures et de sa solitude. Surtout de sa solitude. Puis son regard s’éclaircit. Elle me parle du soir où tout à commencer, de la voix, de sa peur, de sa course effrénée, de Cunégonde et Oskar, de son bar et du plat de blanquette de veau, d’Henri et de sa vielle 2Cv puant le tabac, de sa course dans la forêt, de la douleur ressentie…puis de la chute, de l’algue enserrant sa cheville, des récifs la retenant prisonnière, de sa douleur, de sa…noyade.

    Quant elle finit son histoire dans un souffle midi sonne. Elle est essoufflée comme si elle venait de revivre son voyage une deuxième fois.

    Nous sommes restés en silence encore quelques minutes.

    Son histoire me rappelle un peu la mienne quand j’avais son âge. Sauf que moi c’était pour rejoindre l’armée et que j’étais moins perdu qu’elle. Mon père voulait que je fasse boucher. Beurk. Moi j’aime que le poisson et pas la viande. Il n’a jamais voulu comprendre ça.

    -Léo...J'ai peur...

    Ma décision est prise. Les dés sont jetés.

    -Eris va te coucher. Je viendrais te chercher plus tard pour avaler un truc.

    Je me dirige vers la sortit.

    -Sois en forme. Demain on commence l’entrainement.

    Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule. J’ai fait le bon choix.

     

    Dans son regard on peut y lire de la reconnaissance.


  • Commentaires

    1
    Samedi 31 Mars 2018 à 22:43

    Un chapitre vraiment intéressant, c'est originale de changer de point de vue, cette fois on ce met dans la peau de leonard, ce n'est pas tout a fait claire au début mais ont fini par le comprende. Eris a changé, elle n'est plus petite et fragile, elle devient grande et forte.

     

    Une tirade est un long monologue adréssé a quelqu'un et qui est accompagné d'un aveu, il est la pour réveler la douleur par exemple d'un personnage, il délivre en quelque sorte le perso, comme par exemple la tirade de phèdre ou elle fait un monologue de plusieurs pages pour dire a je sais plus qui qu'elle aime sont beaux fils

    ta courte phrase ne peut donc pas être une Tirade, mais ton histoire évolue et nous donne envie de lire la suite

    beau travail

      • Samedi 31 Mars 2018 à 23:06

        Merci. J'avais un peu peur que le brusque changement de point de vue perde trop le lecteur. Mais il semble que non.

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    2
    Dimanche 1er Avril 2018 à 11:25

    non j'ai déja vue ce style dans un roman, mais il faudrait peut être que tu précise un peu mieux qui parle dans ce cas

    par exemple tu peut commencer ton histoire avec le nom du perso qui parle :

     

    Leonard :

    (texte)

     

    ce serait peut être plus claire comme ça et mieux mis en évidence

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