• Chapitre 38: Sur les pas d'Izanami

    19h45

    Aéroport d’Osaka :

    Aïska et les moines du sanctuaire ont payé mon billet et m’ont donné une bonne partie de leur économie. Ils voulaient tout me donner mais j’ai refusé. C’était trop gênant.

    Je me mets à déambuler dans la rue sans savoir trop où aller Je décide de quitter les alentours animés de la ville pour ses abords.

    Cela fait plus d’une heure que je me guide à l’aide de la boussole. Elle est étrange. Elle ne me guide plus vers le nord mais vers l’ouest.

    Toujours le nez sur ma boussole, je ne vis pas la femme à laquelle je me cogne.

     

    -Oups. Sorry. (Oups. Désolée)

     

    Je ne fais pas fais pas vraiment attention à ce qui se passe. Je l’aide juste à se relever et m’apprête à repartir mais elle enserre mon poignet avec force entre ses doigts osseux. Je la regarde plus attentivement et réprime de justesse un mouvement de dégoût.

    La femme est laide. Affreuse. Repoussante. Elle a d’humain que la silhouette. Son corps informe ondule au grès des insectes qui glissent sur elle dans un suintement visqueux.  L’odeur putride qui émane de son cadavre en est toxique.

    Shikome, une femme sorcières du Yomi : le monde des morts.

    Elle me tire et m’emmène vers un immense temple. On grimpe les 2 759 marches dans un silence oppressant entrecoupé de cris étranges et de râles. 2 759 marches. J’ai compté pour ne pas céder à la peur et de ne pas m’évanouir. On avance vers l’autel. Il est encadré par quatre grandes statues de renards. De chaque côté du chemin et cela tout autour du temple s’étant un immense cimetière. Cliché. J’ai l’impression d’être dans un film.

    La shikome me laisse devant l’autel et rejoint ses sept sœurs toutes plus repoussantes les unes que les autres.

    J’ignore dans quel temple je suis mais autant prié. Je sors quelques pièces, un ruban, une fleur et les pose sur l’autel. Je ne sais pas pourquoi je fais ça. Je ne mets à prier. Quand j’ai fini, je me retourne et…reste statufié.

    Je trouvais les shikomes repoussantes et je ne pensais pas voir quelque chose de plus horrible qu’elles mais là…

    L’horreur. Ce mot a été inventé pour elle. Une femme se tient devant moi. Elle est grande, très grande. Je lui arrive à la taille. Son corps est aussi maigre voire plus que celui d’Aïska. Sas cheveux de jais ondule comme des serpents. Ses yeux sombres comme de l’encre de Chine sont ternes. Sa peau, qui autrefois devait être laiteuse, est grisâtre voire verdâtre et fissuré comme ceux des poupées de porcelaines éméchées. Partout sur son corps des limaces blanches pullulent sur sa peau redessinant chacune des courbes de son corps. Elle est monstrueuse. Ses mains sont comme de longues griffes prêtes à vous arracher la colonne vertébrale avec les côtes. Ses pieds sont comme des serres acérées prêt à nous réduire en bouillit. Sa bouche n’est qu’un gouffre abyssal. Elle est divinement écœurante.

    - Watashi wa Izanami, sōzō to shi no megami, Izanagi no tsuma, Yomi no aijindesu. Erisu o matteita. (Je suis Izanami, déesse de la création et de la mort, femme d’Izanagi et maitresse du Yomi. Je t’attendais Eris.)

     

    Sa voix d’outre-tombe à rouler dans le silence comme le tonnerre qui gronde. Je du me boucher les oreilles tellement sa voix est puissante. Je comprends un peu ce qu’elle me dit par curiosité j’ai appris la langue. Mais l’odeur immonde me fait m’évanouir.

    Un peu plus tard, je reviens à moi. La déesse a quitté son apparence divine qu’elle revêtait habituellement pour l’apparence qu’elle avait avant : belle, douce et un parfum plus agréable qu’Immondice n°5. Il est vrai que c’est mieux comme réveille. Je quitte ses genoux.

    - Watashi wa... Arigatō... Anata no igen? (Je…Merci…votre majesté ?)

     

    Elle hoche la tête et se dirige vers mes offrandes. Une shikome prend le ruban et noue les cheveux d’Izanami tandis qu’une autre pique la fleur dans sa coiffure. Une des shikome ne rend mes pièces.

    - Anata no igen... Watashi wa megami kārī no meirei de kimashita. Watashi ga hitsuyōdesu ka? (Votre majesté…Je suis venus sur ordre de la déesse Kali. Auriez-vous besoin de moi ?)

     

    La déesse me prend par la taille et court comme une furie à travers les rues. Elle ne s’arrête qu’en face d’une maison typique japonaise où des éclats de voix violents se font entendre.

    - Kono-ka ga miemasu ka? Mā, soko ni sunde iru hito wa, watashi no shinden no saigo no shugoshin no idaina idaina idaina idaina idaina magodesu. Kono otoko ni wa, watashi no reihai o tantō shite iru saigo no on'na no chīsanadearu tsuma ga imasu. Karera ni wa 3-ri no kodomo ga imasu. Kon'ya no unmei wa, karera ga watashi ni kuru koto o nozonde imasu. Hoshiku arimasen. (Tu vois cette maison ? Eh bien, l’homme qui y vit est l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de mon dernier prêtre gardien de mon temple. Cet homme a une femme qui est la petite nièce de la dernière prêtresse chargée de mon culte. Ils ont trois enfants. Ce soir le destin veux qu’ils viennent à moi. Or je ne le veux pas.)

    - Sorera o hozon shimasu ka? (Vous voulez donc je les sauve ?)

    - Wakatta. Watashi wa onshirazude wa arimasen. Anata no hōshū wa anata no yūki shidaidesu. (Tu as compris. Je ne suis pas ingrate. Ta récompense sera à la hauteur de ta bravoure.)

     

    Je cours jusqu’à la maison, me déchaussant rapidement. Je sors ma dague et me jette sur le premier homme que je rencontre.


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