• Shōjikina Shang

    Chapitre 40: Suuhai Tatsuki

     

    Hannah1 l’a installé dans une des deux chambres libres donnant sur la cour intérieure. Elle s’y repose.

    Je profite de cette accalmie pour faire le point sur les dernières 24 heures.

    Yo Shinosuke, ce serpent, est venu hier soir avec ses hommes avec l’intention de nous tuer car pour garder notre maison et l’entreprise familial de ma femme ils nous faillaient beaucoup d’argent que nous lui avions emprunter.

    J’ai eu juste le temps de cacher Ting-Ting, Daisuke et Bao dans la salle de bain. Après qu’ils me sont tombés dessus et m’ont trainé dans notre chambre avec Hannah.  Avant de nous tuer, nous les avons suppliés, non pas de nous épargner mais d’épargner nos enfants.

    C’est à ce moment-là que ce corps décapité est tombé révélant une jeune femme aux cheveux azuré et aux yeux vert mordorés. Un long silence c’était installés avant qu’elle ne danse en brandissant sa dague. Danse macabre. Où cette jeune femme piétine son adversaire, les bras en l’air, les yeux de fou et la langue tirer comme si elle se moquait d’eux. Comme si…elle se moquait de la vie.

     

    Je m’avance vers le pont japonais où une femme aux cheveux de jais ondule aux grès du vent, aux yeux sombres et à la peau laiteuse vêtu d’un kimono pourpre et d’un hobi noir.

     

    Je me prosterne devant elle.

    - Izanami-dono. Anata no kenkyona meshitsukai wa sore o toranakatta koto ni kansha shimasu. (Izanami-dono.  Votre humble serviteur vous remercie de ne pas l’avoir pris.)

    - Watashi no okagede wa arimasen shikashi, megami kārī kara okutte kudasai. (Ce n’est pas grâce à moi. Mais à l’envoyer de la déesse Kali.)

    - Shikashi, kare o koko ni tsurete kita no wa anatadeshita. (Mais c’est vous votre majesté qui l’avez amené ici.)

    - Hai, soreha watashidesu ga,`namae o hatsuon subekidenai hito' no ishi ni mo kansha shite imasu. Shan, kare no tame ni gizō shite hoshī. Kare no seikaku, yūki, kare ga nandearu ka o arawasu koto ga dekiru hito. Watashi wa anata ni kitai shite imasu. Gakkari shinaide kudasai. (Oui c’est moi mais aussi grâce à la volonté de « celle-dont-le-nom-ne-doit-pas-être-prononcé ». Shang, j’aimerais que tu lui en forge un. Un capable de représenter sa personnalité, son courage, ce qu’elle est. Je compte sur toi. Ne me déçois pas.)

     

    Elle part et je retourne me préparer pour ma tourner. Je suis chauffeur de taxi.

    Durant toute la journée, je n’ai pu vraiment me concentrer sur la route. Je ne pouvais penser qu’à l’étrange demande de la déesse Izanami. Elle veut que j’en forge un. Depuis combien de temps je n’en ai plus forgé ? 7 ans ? Après la naissance de Bao ? Oui surement.

     

    22h00

    Je rentre enfin chez moi. Hannah m’accueille dans le hall. Comme d’habitude. Plus loin j’entends Ting-Ting et Daisuke se disputer. Comme d’habitude. Bao court vers moi en tendant les bras. Comme d’habitude. Je me dirige vers le salon où je m’installe à la table et déplie mon journal. Comme…non…pas comme d’habitude. Cette fois ce n’est pas ma douce Hannah que je regarde s’afférer aux fourneaux mais cette fille, Eris, qui sous les ordres de ma gracieuse fleur* s’attelle à préparer une soupe mizo. De ce que je peux voir ce soir on n’est pas près d’avoir de la soupe.

     

    1 heure plus tard, nous sommes réunis tous les six autour du repas et notre soupe est…noir. Noir ? Comment elle s’y est prise pour faire une soupe mizo noir ?

    Tout le monde me regarde attendant ma réaction.  Je plonge ma cuillère dans la soupe et la porte à mes lèvres. Mon geste reste suspendu un moment dans les airs, le temps pour moi de rassembler assez de courage pour boire ce breuvage.

    Au bout de quelques secondes, j’avale ma cuillerée.

     

    - Īdesu (C’est bon.)

     

    Ils me regardent surpris et se mettent à goûter la soupe. Elle est vraiment bonne, l’aspect n’est pas terrible. Affreux. Pas engagent…mais quand on la goute on est transporté vers des terres méconnus.

     

    Après le repas, je m’enferme dans mon atelier. Là j’appelle Yuan Pa, mon employeur, et lui demande un congé.

    Je souffle un bon coup et me met au travail.

     

    Je m’installe à mon tatara2 et commence à travailler le tamahagane3 puis le sépare en fines galettes pour mieux les portées à hautes températures après je plonge le tout dans de l’eau froide. Je divise de nouveau les galettes en des galettes les petites.

    Je pris mes lunettes et ma loupe pour mieux examiner les galettes. Celles plus foncés, contenant le plus de carbone, je les utiliserai pour les parties extérieures et la pointe de la lame. Celles plus claires, ayant moins de carbone, seront utilisés pour faire le noyau de la lame.

    Je rassemble les galettes pour à nouveau les chauffées et les travaillées pour former un bloc homogène que je fais de nouveau chauffer à blanc pour mieux le martelé, le replié sur lui-même pour de nouveau le martelé.

     

    Rien que la forge de la lame m’a pris un peu plus d’un mois. L’évènement cruciale de la fabrication est le yaki-hire ou la trempe. Je dois faire attention car c’est à partir de maintenant que tout mes mouvements détermineront si ce sabre sera de bonne facture ou une camelote de cinéma car je dois assurer son tranchant mais sans affecter sa souplesse.

    J’enduis la lame d’argile, de poudre de charbon et d’autres éléments secrets transmit par ma famille depuis l’ère Eien4. La lame plonge ensuite dans l’eau froide. C’est bon : les parties protégées ont la dureté et la souplesse que je recherche et puis…AÏ !! Je me suis coupée !! J’ai juste posé mon doigt dessus. Quel tranchant !!

    Je n’ai même pas commencé le polissage que l’on voit déjà le hamon5. C’est un magnifique notare6 à tel point que j’hésite à effectuer le kajitogi 7. Je ne suis pas un amateur et étant un perfectionniste maladif je le fais quand même.

    A la fin de ce premier polissage, je confie le sabre a un ami togishi 8 pour qu’il effectue le jitogi et le shiage9.

    En attendant qu’il est fini, je vais faire le saya10 et le tsuba11.

     

    La veille de ma reprise de travail, je convoque Eris dans mon atelier et lui tend un paquet. Elle le saisit révélant un nodachi12. Le tsuba et la poignée sont en argent et un nacre noir gravé chacune d’un dragon chinois ascendant. Le saya est en bois laqué noir avec là aussi un dragon asiatique en argent mais descendant montrant les crocs et les griffes vers le bout du fourreau en forme d’étoile.

    Elle retire délicatement, lentement la lame de sa protection.

    Sous la poignée se révèle l’emblème de ma famille : un lotus encadré par des fleurs de cerisier.

    Le togishi a fait un excellent travail. La lame en notare est acérée et non inversé comme ceux que je fais d’habitude. Rien que le fait de l’effleurer nous fait une entaille, Eris appuie fort sa paume contre la lame, faisant ainsi une grésière de sang qui coule tel une rivière pourpre sur leurs corps.

    Elle le baptise pour une guerre et des combats qu’elle seule sait.

    Ses longs doigts fins étale le liquide carmin sur la lame passant dessus de manière hypnotique contournant l’imagerie du dragon d’occident et du griffon.

     

    Cette scène à la lumière des bougies, au parfum des encens et du sang, à son sourire et ses yeux dans le vide à quelque chose que nul ne peut décrire.

     

    Le silence est brisé par la lame qui glisse, comme une femme qui entre dans l’eau, à l’abri de tout et tous, dans son antre.

     

    -Suuhai Tatsuki13

     

    La vénération du dragon. Le nom qu’elle choisit.

    J’acquise en silence. Ma femme et mes enfants entrent et s’assoient autour de nous.

    Ma gracieuse fleur me fait glisser des coupelles à saké rouge et une très vielle bouteille de saké.

    Je rempli trois coupes. J’en donne à Hannah, une à Eris et garde la dernière pour moi. Nous buvons notre coupe et les échangeons après les avoir remplies. Nous échangeons encore une fois les coupelles puis les reposons.

    Tout ce fait dans le plus grand des calmes et des silences. Tous partirent ensuite se coucher, me laissant seul.

     

    Désormais elle est dès notre.

     

     

     

     

     

    1Hannah : prénom hébraïque signifiant « grâce » mais là au Japon signifie « fleur ».

    2Tatara : fourneau traditionnel japonais utilisé pour la production de fer et d’acier.

    3tamahagane : c’est le matériau qui formera le sabre.

    4ère Eien : début 987 à 988.  Époque Heian (c.784*1192).

    5hamon : ligne souvent en forme de vagues que l’on peut apercevoir au-dessus du tranchant de certains sabres.

    6notare : hamon en forme de vague.

    7 kajitogi : polissage grossier effectué par le forgeron lui-même afin de se rendre compte de la qualité de la lame et des éventuels défauts qui auraient pu subsister 

    8 togishi : artisan polisseur.

    9 jitogi et shiage : étapes de polissage effectué par le polisseur.

    10 saya : fourreau du sabre.

     11 tsuba : garde du sabre.

    12 nodachi : long sabre japonais qu'on manipule à deux mains. Les kanjis composant le mot « nodachi » signifient « épée de plaine ». Toutefois, on a suggéré que la signification de « nodachi » était approximativement la même que celle de ōdachi, signifiant « épée longue ».


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